vendredi 27 avril 2012

Plaisir et violence (un article de James Prescott)


Ma traduction tirée de l'original : http://violence.de/prescott/bulletin/article.html

     LE PLAISIR DU CORPS ET L'ORIGINE DE LA VIOLENCE
par James W. Prescott
traduit par Sigismond

Introduction de l’article dans "The bulletin of the atomic scientists"

        James W. Prescott, neuropsychologue, est administrateur scientifique de la santé au National institute of child health and human development (Institut national de la santé de l'enfant et du développement humain) à Bethesda (Maryland, U.S.A.). Il est membre du comité de direction de l'American humanist association. Cet article est paru en partie dans le numéro d'avril 1975 du Futurist, publié par la World future society, et est réimprimé ici avec sa permission. Les vues et opinions ici exprimées sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement la position du National institute of health.

Un neuropsychologue affirme que la plus grande menace sur la paix
mondiale vient des nations où l'enfance a l'environnement le plus carencé
et qui sont les plus répressives
de la tendresse sexuelle et de la sexualité féminine.

        La violence humaine devient rapidement une épidémie universelle. Dans le monde entier, la police affronte des foules en colère, des terroristes perturbent les jeux olympiques, des pirates s'emparent d'avions et des bombes détruisent des immeubles. L'an dernier, les guerres ont ravagé le Moyen-Orient, Chypre et l'Asie du Sud-Est, et l'escalade de la guérilla a continué en Irlande. Pendant ce temps, la criminalité aux Etats-Unis a augmenté encore plus vite que l'inflation. Les chiffres du Federal Bureau of Investigation montrent que les crimes graves ont augmenté de 16% dans les 6 premiers mois de 1974 - une des augmentations les plus importantes depuis le début de la tenue de ces statistiques par le FBI.
A moins que les causes de la violence ne soient isolées et réduites, nous continuerons à vivre dans un monde de peur et d'appréhension. Malheureuse-ment, la violence est souvent présentée comme solution à la violence. De nombreux responsables de l'application de la loi préconisent la manière forte comme la meilleure méthode pour réduire le crime. Emprisonner des gens, notre façon habituelle de faire face au crime, ne résoudra pas le problème, parce que les causes de la violence résident dans nos valeurs fondamentales et dans la façon dont nous élevons nos enfants et la jeunesse. Les punitions corporelles, les films et les programmes de télévision violents enseignent à nos enfants que la violence physique est normale. Mais ces premières expériences de la vie ne sont pas les seules ni même les principales sources des comportements violents. Les recherches récentes appuient le point de vue selon lequel le manque de plaisir physique est un ingrédient majeur de l'expression de la violence physique. L'association courante entre la sexualité et de la violence incite à comprendre la violence physique comme l'expression d'une carence de plaisir physique.
        A la différence de la violence, le plaisir semble être quelque chose que le monde entier ne peut obtenir en quantité suffisante. Les gens sont constamment à la recherche de nouvelles formes de plaisir, cependant la plupart de nos activités de "plaisir" paraissent être des substituts des plaisirs sensoriels naturels du toucher. Nous touchons pour le plaisir ou pour la douleur, ou ne touchons pas du tout. Bien que plaisir physique et violence physique paraissent à des mondes de distance, il semble qu'il y ait un lien intime entre les deux. Tant que la relation entre plaisir et violence ne sera pas comprise, la violence continuera son escalade.
        En tant que neuropsychologue du développement, j'ai beaucoup étudié la relation particulière entre le plaisir et la violence. Je suis maintenant convaincu que la privation de plaisir sensoriel physique est la principale cause profonde de la violence. Les expériences de laboratoire avec les animaux montrent que le plaisir et la violence sont en relation réciproque, c'est-à-dire que la présence de l'un inhibe l'autre. Un animal enragé et violent se calmera instantanément quand des électrodes stimuleront les centres de plaisir de son cerveau. De même, stimuler les centres de violence du cerveau peut mettre fin au plaisir sensuel et au comportement pacifique de l'animal. Quand les circuits de plaisir du cerveau sont allumés, les circuits de violence sont éteints et vice-versa. Chez les êtres humains, les personnalités orientées vers le plaisir se comportent rarement de façon agressive ou violente et une personnalité violente n'est guère capable de tolérer, expérimenter ou jouir des activités sensuellement plaisantes. Dès que la violence ou le plaisir augmente, l'autre diminue.


La carence sensorielle
        La relation de réciprocité entre le plaisir et la violence est hautement significative parce que certaines expériences sensorielles, à l'âge de la croissance, créeront une prédisposition neuropsychologique à des comportements ultérieurs de recherche soit de violence, soit de plaisir. Je suis convaincu que divers comportements sociaux et émotionnels anormaux résultant de ce que les psychologues appellent la carence "socio-maternelle", c'est à dire un manque de soins tendres et aimants, sont provoqués par un type unique de carence sensorielle, la carence somato-sensorielle. Dérivé du terme grec pour "corps", le mot renvoie aux sensations de toucher et de mouvement du corps qui diffèrent des sens de la lumière, de l'ouïe, de l'odorat et du goût. Je crois que les carences en toucher, contacts et mouvements corporels sont les causes fondamentales de nombre de perturbations émotionnelles incluant les comportements dépressifs et autistiques, l'hyperactivité, les aberrations sexuelles, l'abus de la drogue, la violence et l'agression.

La violence contre la sexualité
et l'usage de la sexualité pour la violence,
particulièrement contre les femmes (n.d.t),
ont de très profondes racines dans la tradition biblique

        Ces idées sont principalement inspirées des études de laboratoire de Harry F. et Margaret K. Harlow de l'université du Wisconsin. Les Harlow et leurs étudiants séparèrent à la naissance des bébés singes de leur mère. Ils furent élevés dans des cages individuelles, avec d'autres animaux, dans une pièce où ils pouvaient entretenir des relations sociales avec les autres animaux par la vue, l'ouïe et l'odorat mais pas par le toucher ou le geste. Ces études et d'autres, indiquent que c'est le manque de contacts corporels et de mouvements du corps, et non la carence dans les autres domaines sensoriels qui produisent la grande variété de comportements émotionnels anormaux chez ces animaux élevés dans l'isolement. Il est bien connu que les bébés et les enfants humains hospitalisés ou placés dans des institutions pour de longues périodes, avec peu de contacts physiques et sans être pris dans les bras, présentent presque les mêmes comportements anormaux, comme le bercement et le cognement convulsif de la tête.

n.d.t. : La coutume de la circoncision, l'histoire de Judith et les passages sur les châtiments corporels des garçons appuient l'affirmation d'un sexisme de la bible à l'encontre des hommes.


             Bien que la violence pathologique observée chez les singes élevés dans l'isolement ait été bien répertoriée, le lien entre la carence somato-sensorielle précoce et la violence physique chez les humains est moins bien établi. De nombreuses études sur de jeunes délinquants et des criminels adultes ont montré un arrière-plan familial de foyers brisés et/ou de parents physiquement abusifs. Ces études ont rarement mentionné, et encore moins mesuré, le degré de privation d'affection physique, quoiqu'il soit souvent inféré du degré de négligence et d'abus. Une étude exceptionnelle à cet égard est celle de Brandt F. Steele et C. B. Pollock, psychiatres à l'université du Colorado, qui ont étudié la maltraitance des enfants dans trois générations de familles abusives. Ils découvrirent que les parents qui abusaient de leurs enfants avaient invariablement été privés eux-mêmes d'affection physique pendant leur enfance et que leur vie sexuelle adulte était très pauvre. Steele a noté que les femmes qui abusaient de leurs enfants, presque sans exception, ne connaissaient pas l'orgasme. Le degré de plaisir sexuel expérimenté par les hommes qui abusaient de leurs enfants n'a pas été vérifié mais leur vie sexuelle, en général, était insatisfaisante. L'hypothèse que le plaisir physique inhibe activement la violence physique peut être appréciée à partir de nos propres expériences sexuelles. Combien d'entre nous ont envie d'agresser quelqu'un juste après l'orgasme ?
        Les contributions de Freud quant aux effets des expériences précoces et aux conséquences de la répression de la sexualité sur les comportements ultérieurs ont été bien établies. Le temps et la place ne permettent malheureusement pas ici une discussion des différences qui l'opposent à Reich concernant Au-delà du principe de plaisir.
        L'hypothèse selon laquelle le manque de plaisir physique conduit à la violence physique nécessite une évaluation formelle systématique. Nous pouvons tester cette hypothèse en examinant les études transculturelles sur l'éducation des enfants, les comportements sexuels et la violence physique. Nous nous attendrions à trouver que les sociétés humaines qui procurent à leurs nourrissons et enfants beaucoup d'affection physique (toucher, tenir, porter) seraient moins violentes physiquement que celles qui leur donnent très peu d'affection physique. De même, les sociétés humaines qui tolèrent et acceptent la sexualité prémaritale et extramaritale devraient être moins violentes physiquement que celles qui l'interdisent et la punissent.
        Les anthropologues culturels ont collecté toutes les informations requises pour tester cette hypothèse pour les sociétés humaines - et leurs travaux sont fort bien présentés dans A cross-cultural summary de R. B. Textor (1). Son livre est pour l'essentiel un instrument de recherche pour l'analyse statistique transculturelle. L'étude fournit environ 20 000 corrélations significatives dans 400 échantillons culturels de sociétés primitives.


Négligence envers le nourrisson / Violence à l'âge adulte
        Certaines variables reflétant l'affection physique (telles que les câlins, les caresses et les jeux avec les nourrissons) ont été reliées avec celles qui mesurent le crime et la violence (fréquence des vols, meurtres, etc...). Les relations importantes sont exposées dans les tableaux. Les pourcentages traduisent les relations entre les variables, par exemple : degré élevé de tendresse/faible degré de violence, plus faible degré de tendresse/haut degré de violence. Cette méthode est employée dans tous les tableaux.
        Le degré de violence des sociétés classées en haut degré ou faible degré sur l'échelle d'affection physique envers les nourrissons a été examiné. Les résultats (tableau 1) montrent clairement que les sociétés qui donnent à leur nourrissons le plus d'affection physique sont caractérisées par leur faible degré de vol, de douleur physique dans l'enfance, d'activité religieuse, une absence ou une quantité négligeable de meurtres, de mutilations ou de torture des ennemis. Ces données confirment directement que la carence de plaisir corporel dans l'enfance est reliée de manière significative à un degré élevé de crime et de violence.
        Certaines sociétés ont recours aux punitions physiques pour la discipline, d'autres non. Nous pouvons déterminer si ces punitions reflètent un souci général du bien-être du nourrisson, en les rapprochant des soins donnés aux enfants. Les résultats (tableau 2) montrent que les sociétés qui infligent aux nourrissons de la douleur et de l'inconfort tendent aussi à les négliger. Ces informations n'apportent aucun fondement à la prescription des "Proverbes" (XXIII : 13-14) "Ne ménage pas les châtiments au garçon ; si tu le frappes de ta baguette, il n'en mourra pas. Frappe-le de ta baguette, tu le sauveras de l'enfer.".
        Dans 36 des 49 cultures (73%), la violence physique adulte a pu être inférée avec précision du manque d'affection physique aux nourrissons. La probabilité qu'un taux de 73% se réalise par hasard n'est que de quatre pour mille.
        Des 49 sociétés étudiées, 13 semblaient faire exception à la théorie selon laquelle un manque de plaisir somato-sensoriel rend les gens physiquement violents (voir tableau 3). On s'attendait à ce que les cultures accordant une grande valeur au plaisir physique dans l'enfance et la petite enfance maintiennent de telles valeurs à l'âge adulte. Il n'en est rien. Les pratiques d'éducation des enfants ne permettent pas de prévoir les modèles des comportements sexuels ultérieurs. Cette surprise initiale, et supposée contradiction, devient cependant avantageuse pour de futures prévisions.


Les conséquences à long terme du plaisir et de la douleur des nourrissons
        Les sociétés humaines diffèrent grandement dans leur façon de traiter les nourrissons. Dans certaines cultures, les parents débordent de tendresse physique envers les nourrissons, tandis que dans d'autres, ils les punissent physiquement. Une étude de données anthropologiques par l'auteur (2) révéla que les sociétés qui donnent à leurs nourrissons beaucoup d'affection physique ont moins de vols et de violences à l'âge adulte. Cette étude appuie donc la théorie selon laquelle la carence en affection physique pendant la petite enfance est significativement liée à un taux élevé de crimes et de violences. Les tableaux ci-dessous montrent comment l'affection physique ou les punitions données aux enfants sont corrélées à d'autres variables. Par exemple, les cultures qui infligent de la douleur aux nourrissons paraissent plus portées à pratiquer l'esclavage, la polygamie, etc. Dans les tableaux, N désigne le nombre de cultures en jeu et P la probabilité de réalisation de la variable observée, calculée avec l'échelle de probabilité exacte de Fisher.


TABLEAU 1
Comportements adultes dans les sociétés où la tendresse physique
est largement prodiguée aux nourrissons
                                                                           pourcentage          probabilité
Comportements adultes                                                      %              N            P
faible ostentation de la richesse
      66
  50
   0,06
faible fréquence du vol
      72
  36
   0,02
grande indulgence générale envers les nourrissons
       80
    66
   0,00
faible douleur physique subie par les nourris-sons
      65
    
    63

   0,03
meurtres, tortures ou mutilations des ennemis
négligeables
      73
    49
   0,004
faible activité religieuse
      81
  27
 0,003

 
TABLEAU 2
Comportements adultes dans les sociétés où les parents
ou les éducateurs infligent de la douleur physique aux nourrissons
                                                                           pourcentage       probabilité
Comportements adultes                                                      %              N             P
présence de l'esclavage
        64
 66
  0,03
Pratique de la polygamie
        79
 34
  0,001
statut inférieur pour la femme
        78
   14
  0,03
faible degré de tendresse physique envers les nourrissons
        65
   63
  0,03
faible degré d'indulgence envers les nourrissons
        77
 66
  0,00
faible intensité des comportements nourriciers
        67
   45
  0,05
divinités agressives
        64
   36
  0,01
Les échelles sur la petite enfance ont été créées par les anthropologues culturels Barry, Bacon and Child (3), celles sur les comportements sexuels par Westbrook, Ford et Beach (4) et celles sur la violence par Slater (5).

        Deux variables fortement corrélées ne sont pas aussi utiles à la prévision d'une troisième que deux variables non corrélées. En conséquence, il est significatif d'examiner les comportements sexuels des 13 cultures dont la violence adulte n'était pas prévisible à partir du plaisir physique dans la petite enfance.
        Apparemment, les coutumes sociales influençant et déterminant les comportements de tendresse sexuelle sont différentes de celles qui sous-tendent l'expression de la tendresse physique envers les nourrissons.
        Quand on compare les six sociétés caractérisées à la fois par un degré élevé de tendresse envers les nourrissons et par un degré élevé de violence en ce qui concerne le comportement sexuel prémarital, on est surpris de constater que cinq d'entre elles le répriment, valorisant hautement la virginité. Il apparaît que les effets bénéfiques de l'affection physique envers les nourrissons peuvent être annulés par la répression, plus tard dans la vie, du plaisir physique (sexualité prémaritale).
        Les sept sociétés caractérisées par de faibles degrés aussi bien d'affection physique que de violence physique, sont toutes caractérisées par la permissivité envers la sexualité prémaritale. Les effets nocifs de la carence d'affection physique dans la petite enfance semblent donc être compensés par les expériences de plaisir sexuel à l'adolescence. Ces découvertes ont conduit à une révision de la théorie de la carence de plaisir somato-sensoriel, la faisant passer d'une théorie du développement à un échelon à une théorie du développement à deux échelons, dans laquelle la violence physique pouvait être classifiée avec précision dans 48 des 49 cultures.
        En bref, la violence peut découler de la carence de plaisir somato-sensoriel soit dans la petite enfance soit à l'adolescence. La seule véritable exception dans cet échantillon de cultures est la tribu des chasseurs de têtes Jivaros d'Amérique du Sud. Des études plus détaillées sont manifestement nécessaires pour déterminer les causes de la violence dans cette société. Le système de croyances des Jivaros peut jouer un rôle important puisque, comme l'anthropologue Michael Harner le note dans "Jivaro Souls" (6), ces indiens ont "une croyance profondément ancrée que le meurtre permet d'acquérir des âmes don-nant un pouvoir surnaturel immunisant contre la mort".


L'affection physique du nourrisson et la violence physique de l'adulte

Les sociétés procurant beaucoup d'affection physique à leurs nourrissons (soins tendrement aimants) sont caractérisées par la non-violence ultérieure des adultes. Dans 36 des 49 cultures étudiées, un degré élevé d'affection envers les nourrissons est associé avec un faible degré de violence physique adulte et vice-versa. Quand les 13 exceptions furent analysées, on découvrit que la violence, dans toutes ces sociétés sauf une (les Jivaros), pouvait être expliquée par la présence ou l'absence de la sexualité prémaritale.



TABLEAU 3
La relation entre la carence de tendresse physique envers les nourrissons
et la violence physique des adultes
Degré élevé de tendresse physique pour les enfants
Faible degré de tendresse physique pour les enfants
Degré élevé de tendresse physique pour les enfants
Faible degré de tendresse physique
pour les enfants
Faible degré de violence physique des adultes
Degré élevé de violence physique des adultes
Degré élevé de violence physique des adultes
Faible violence physique des adultes
Andamanais
Arapesh
Balinais
Chagga
Chenchu
Chuckchee
Cuna
Hano
Lau
Lesu
Maori
Murngin
Nuer
Papago
Siriono
Tallensi
Tikopia
Timbira
Trobriand
Wogeo
Woleaians
Yaghan
Alorais
Aranda
Araucans
Ashanti
Aymara
Azande
Comanche
Fon
Kaska
Marquisans
Masaï
Navaho
Ojibwa
Thonga
Cheyenne
Chir-Apache
Crowa
Jivaro
Kurtatchi
Zunic
Ainu
Ganda
Kwakiutl
Lepcha
Pukapuka
Samoensb
Tanala
Sexualité prémaritale :           réprimée : souligné            autorisée : italiques


a Selon Harner (1972 la culture Jivaro est mal classée et appartiendrait à la colonne 2 (communication personnelle).
b Selon Derek Freeman, professeur d'anthropologie à l'université nationale australienne, les Samoens appartiennent à la colonne 2 (communication personnelle).
c Les Zunis sont aussi reclassifiés à la colonne 1.
Sources :Textor (1) ; échelle des comportements du nourrisson de Barry, Bacon et Child (3) ; échelle de la violence des adultes de Slater (5).

Ce tableau est une version révisée mise à jour grâce à des informations tirées de l'article de Lionel Gambill "Can more touching lead to less violence in our society ?" (Plus de toucher peut-il conduire à moins de violence dans notre société ?), publié dans The truth seeker, mars-avril 1989. Gambill écrit :
A la suite de la première publication de ces informations dans The futurist en avril 1975, des anthropologues culturels ont informé Prescott d'erreurs de codage dans l'ouvrage de référence sur lequel la comparaison était basée. Quand ces erreurs furent corrigées, aucune exception ne restât. La théorie de la réciprocité entre le plaisir et la violence, appliquée aux cultures recensées dans l'ouvrage de référence, a une validité prévisionnelle de 100%.
La version originale du tableau du Futurist est disponible.

        La plus forte illustration de la puissance de la théorie à deux échelons de la violence par carence, est obtenue lorsqu'on oppose les sociétés présentant des degrés élevés de tendresse physique dans la petite enfance et l'adolescence et les sociétés à degré particulièrement faible en tendresse physique, pour ces deux périodes du développement. Les résultats statistiques sont alors extraordinaires : le pourcentage de chances qu'une société soit physiquement violente si elle est tendre envers ses nourrissons et tolérante envers la sexualité prémaritale est de 2% (48/49). La probabilité que cela arrive par hasard est de 1/125 000. A ma connaissance, aucune autre variable du développement ne possède un degré aussi élevé de valeur prévisionnelle. Le principe paraît donc solidement établi : les sociétés humaines physiquement tendres ont très peu de chances d'être physiquement violentes.
        Pareillement, lorsque la tendresse et le plaisir physiques pendant l'adolescence et la petite enfance sont liés à des indicateurs de violence, on trouve des preuves directes d'une relation significative entre la punition de la sexualité prémaritale et divers indicateurs de crime et de violence. Comme le montre le tableau 4, des groupes de relations lient la punition et la répression de la sexualité prémaritale à la grande taille des communautés, à un degré élevé de complexité sociale et de stratification en classes, à des familles de petites dimensions, à l'achat des femmes, à la pratique de l'esclavage et à un dieu supérieur régnant sur la moralité. La relation entre des familles de petite taille et les attitudes punitives envers la sexualité prémaritale mérite d'être soulignée car elle suggère que les familles nucléaires des cultures occidentales peuvent être un facteur contribuant à notre attitude répressive envers l'expression sexuelle.
        La même remarque peut être formulée en ce qui concerne la taille des communautés, la complexité sociale et la stratification en classes.
        Il n'est pas étonnant que la combinaison de besoins individuels élevés et de privation de tendresse physique entraîne un auto-intérêt et un niveau élevé de narcissisme. De même les danses exhibitionnistes et la pornographie peuvent être interprétées comme un substitut d'une expression sexuelle normale. Certaines nations, très répressives de la sexualité féminine, ont des formes élaborées d'art pornographique.


La sexualité extramaritale
 J'ai aussi étudié l'influence des tabous envers la sexualité extramaritale sur le crime et la violence. Les résultats indiquent clairement que les attitudes punitives-répressives envers la sexualité extramaritale sont aussi liées à la violence physique, au crime et à l'esclavage. Les sociétés qui valorisent la monogamie mettent l'accent sur la gloire militaire et vénèrent des divinités agressives.
        Ces données transculturelles confirment l'idée des psychologues et des sociologues qui pensent que les besoins sexuels et psychologiques insatisfaits dans le mariage devraient l'être en dehors, sans destruction de la primauté de la relation conjugale.


Sexualité prémaritale, violence physique et autres comportements adultes
La liberté sexuelle prémaritale chez les jeunes gens peut contribuer à réduire la violence dans une société et le plaisir physique obtenu de la sexualité par la jeunesse peut compenser un manque de tendresse physique pendant la petite enfance. D'autres recherches montrent aussi que les sociétés qui punissent la sexualité prémaritale ont tendance à pratiquer l'achat des femmes, à vénérer un dieu supérieur régnant sur la moralité et à pratiquer l'esclavage. D'autres résultats sont indiqués dans le tableau ci-dessous.

 
TABLEAU 4
Comportements adultes dans les sociétés où
la sexualité prémaritale est sévèrement réprimée
       
Comportements adultes
Pourcentage
  Probabilité
         %
    N
   P
La taille des communautés est plus grande
L'esclavage est présent
La complexité sociale est élevée
Les crimes contre la personne sont fréquents
La stratification sociale est élevée
Les vols sont nombreux
Les familles sont petites
La sexualité extramaritale est punie
Les femmes sont achetées
L'angoisse de castration est élevée
Le tabou sur la sexualité post-partum est prolongé
Le bellicisme est extrême
Les dysfonctionnements sexuels sont nombreux
Meurtres, torture et mutilation des ennemis sont fréquents
Le narcissisme est élevé
Les danses exhibitionnistes sont valorisées
Un dieu supérieur règle la morale

         73
         59
         87
         71
         60
         68
         70
         71
         54
         65
         62
         68
         83
         69
         66
         65
         81
  80
176
  15
  28
111
  31
  63
  58
114
  37
  50
  37
  23
  35
  38
  66
  27
0,003
0,005
0,01
0,05
0,01
0,07
0,008
0,005
0,02
0,009
0,03
0,04
0,004
0,07
0,04
0,04
0,01
        Ces découvertes appuient massivement la thèse que la carence de plaisir physique corporel au long de la vie - mais particulièrement pendant la période de formation de la petite enfance, de l'enfance et de l'adolescence - est très étroitement liée à la quantité de violence guerrière et interpersonnelle. Ces idées devraient être appliquées aux sociétés industrielles et post-industrielles complexes.
        La criminalité et la violence physique ont considérablement augmenté aux Etats-Unis dans la décennie précédente. Selon les statistiques du FBI, les meurtres et les agressions graves ont augmenté de 53% entre 1967 et 1972, tandis que les viols ont augmenté de 70%.
         Ces chiffres soulèvent de nouveau la question de la relation particulière entre la sexualité et la violence. En plus de nos statistiques de viol, d'autres éléments font penser qu'aux Etats-Unis, la violence est préférée au plaisir sexuel. En témoignent, notre acceptation de films sexuellement explicites impliquant violence et viols et notre rejet des films sexuellement explicites pour le seul plaisir (pornographie). Les cinémas de quartier affichent des films aussi violents sexuellement que Chiens de paille, Orange mécanique, et The klansman, mais bannissent les films mettant en scène le plaisir sexuel (Deep throat, The devil in Miss Jones). Les tentatives de fermeture des salons de massage sont un autre exemple de nos attitudes hostiles au plaisir. Apparemment la sexualité dans le plaisir est immorale et inacceptable, mais la sexualité avec de la violence et de la douleur est morale et acceptable.
        Un questionnaire que j'ai élaboré pour étudier cette question a été remis à 96 étudiants de 19 ans en moyenne. Les résultats confirment le lien entre le rejet du plaisir physique (et particulièrement de la sexualité prémaritale et extramaritale) et l'expression de la violence physique. Ceux qui rejetaient l'avortement, la sexualité prémaritale sérieuse et la nudité en famille étaient davantage portés à approuver les punitions physiques sévères pour les enfants et à croire que la douleur aide à construire un caractère moral fort. Les mêmes inclinaient à trouver l'alcool et les drogues plus satisfaisants que la sexualité. Les résultats de l'enquête apportent une forte confirmation statistique à la fondamentale relation inverse entre la violence physique et le plaisir physique. Si la violence est grande le plaisir est faible et inversement, si le plaisir est intense la violence est faible. L'enquête confirme la théorie selon laquelle la relation plaisir-violence découverte dans les sociétés primitives est également vraie dans une nation industrielle moderne.
        Une autre façon de considérer la relation réciproque entre la violence et le plaisir est l'étude du choix des drogues par une société. Celle-ci approuvera les attitudes compatibles avec ses valeurs et mœurs sociales. La société américaine est une société compétitive, agressive et violente. En conséquence, elle approuve les drogues qui facilitent les comportements compétitifs, agressifs et violents, et s'oppose à celles qui vont à l'encontre de tels comportements. L'alcool est bien connu pour faciliter l'expression des comportements violents et il est accepté par la société états-unienne malgré la dépendance qu'il induit et sa grande nocivité pour les usagers chroniques. La marijuana au contraire est une drogue active dans la production du plaisir, renforçant le plaisir du toucher et inhibant efficacement les comportements violents et agressifs. Je crois que c'est pour ces raisons qu'elle est rejetée par la société états-unienne. L'héroïne est rejetée pour les mêmes raisons et la méthadone (qui entraîne de l'accoutumance sans plaisir) est acceptée.


                Les résultats de mon enquête confortent cette idée. Comme indiqué dans le tableau 5, les corrélations très élevées entre l'usage de l'alcool et les punitions parentales montrent que ceux qui ont reçu peu de tendresse de leurs mères et ont eu des pères qui les punissaient physiquement sont enclins à devenir hostiles et agressifs quand ils boivent. Ces personnes trouvent l'alcool plus satisfaisant que la sexualité. Il y a même une relation encore plus forte entre les punitions physiques parentales et l'usage de la drogue. L'alcool induit l'hostilité et l'agressivité chez ceux qui ont subi des punitions corporelles étant enfants ; ils trouvent l'alcool et les drogues plus satisfaisants que la sexualité. L'enquête révèle aussi des corrélations élevées entre la répression sexuelle et l'usage de la drogue. Ceux qui considèrent la sexualité prémaritale comme "non agréable" ont tendance à devenir agressifs en buvant et à préférer les drogues et l'alcool aux plaisirs sexuels. C'est une preuve de plus en faveur de l'hypothèse selon laquelle les "plaisirs" de la drogue sont un substitut des plaisirs somato-sensoriels.


La violence et le plaisir : les attitudes des jeunes étudiants
La relation réciproque entre la violence et le plaisir est vraie dans les pays industriels modernes comme dans les sociétés primitives. Cette théorie fut testée au moyen d'un questionnaire remis à 96 étudiants (âge moyen : 19 ans). Les résultats montrèrent que ceux qui ont une attitude relativement négative envers le plaisir sexuel tendent à se montrer partisans des punitions sévères pour les enfants et à croire que la violence est nécessaire pour résoudre les problèmes. Les étudiants évaluèrent une série d'affirmations sur une échelle de 1 à 6 où 1 indiquait une forte approbation et 6 une forte désapprobation. Une technique statistique (analyse factorielle) permit d'élaborer un profil de personnalité des personnes violentes. Le tableau 5 montre le degré de relation entre les diverses affirmations qui reflètent les valeurs morales et sociales. Les chiffres de gauche, dits "chargeurs", sont traités comme des coefficients de corrélation. Ils indiquent la force avec laquelle chaque variable contribue à la description générale de la personnalité du sondé telle que définie par ce profil.

TABLEAU 5
Index somato-sensoriel de tendresse humaine (facteur 1 : 66,6%)
0,85
0,81
0,80
0,76
0,75
0,74
0,69
0,54
0,43
0,84
0,80
0,78
0,73
0,72
0,69
0,61
0,47
0,42
0,70
0,65
0,60
0,49
0,45
0,82
0,77
0,51
0,45
0,40
Violence approuvée
Les punitions physiques dures sont bonnes pour les enfants très désobéissants
Les punitions physiques et la douleur aident à former un caractère moral fort
L'avortement devrait être puni par la société
La peine de mort devrait être autorisée
La violence est nécessaire à une véritable solution de nos problèmes
Les punitions physiques devraient être autorisées à l'école
J'aime la pornographie sadique
J'ai souvent envie de frapper quelqu'un
Je peux très bien supporter la douleur
Plaisir physique condamné
La prostitution devrait être punie par la société
La sexualité prémaritale sérieuse ne m'est pas agréable
La nudité en famille a une mauvaise influence sur les enfants
Les plaisirs sexuels aident à construire un caractère faible
La société devrait intervenir dans le comportement sexuel entre adultes
La sexualité extramaritale sérieuse ne m'est pas agréable
Les odeurs corporelles sont souvent repoussantes
Je n'aime pas la pornographie tendre
Je m'énerve souvent lorsqu'on me touche
L'alcool et les drogues préférées à la sexualité
L'alcool est plus satisfaisant que la sexualité
Les drogues sont plus satisfaisantes que la sexualité
Je deviens hostile et agressif quand je bois de l'alcool
Je préfèrerais boire de l'alcool plutôt que de fumer de la marijuana
Je bois de l'alcool plus souvent que j'ai des orgasmes
Conservatisme politique
J'ai tendance à être conservateur dans mes opinions politiques
Age (plus que la moyenne)
Je rêve souvent de flotter, voler, tomber ou grimper
Ma mère est souvent indifférente à mon égard
Je me souviens du temps où mon père me punissait beaucoup physiquement
J'exprime ma reconnaissance à Douglas Wallace, Programme sur la sexualité humaine, Medical school, Université de Californie, San Francisco, pour sa collaboration à l'étude du question-naire.
Ce tableau est une version légèrement révisée. La version originale a été conservée.


Les racines religieuses
        Les origines de la relation réciproque fondamentale entre le plaisir physique et la violence physique peuvent être rattachées au dualisme philosophique et à la théologie des relations entre le corps et l'âme. Dans la pensée philosophique occidentale, l'homme n'était pas un être unitaire mais un être divisé en deux parties : le corps et l'âme. La conception philosophique grecque de la relation entre le corps et l'âme était très différente du concept judéo-chrétien qui posait pour principe un état de guerre entre le corps et l'âme. Dans la pensée judéo-chrétienne, le but de la vie humaine était de sauver l'âme et le corps était conçu comme un obstacle à la réalisation de cet objectif. En conséquence, le corps doit être puni et soumis à des privations. Dans ces paroles : "Mettez à mort les bas instincts du corps car si vous vivez selon la chair vous mourrez mais si, selon l'esprit, vous mortifiez les œuvres de la chair, vous vivrez." (Romains, VIII : 13), Saint Paul était clairement partisan de la privation de plaisir somato-sensoriel et d'une intensification des stimulations somato-senso-rielles douloureuses comme préalables nécessaires au salut de l'âme.
        "Au sujet de ce que vous m'avez écrit, il est bon pour l'homme de s'abstenir de la femme." (I Corinthiens, VII : 1).
        Aristote ne voyait pas d'état de guerre entre le corps et l'esprit mais envisageait plutôt une relation complémentaire dans laquelle l'état de l'esprit ou de l'âme était dépendant de celui du corps. En fait il déclarait que "le soin du corps devait précéder celui de l'âme." (Politica).
Il appréciait également la relation réciproque entre le plaisir et la douleur et reconnaissait qu'une recherche compulsive de plaisir corporel trouve son origine dans un état de douleur et d'inconfort corporel :

"Maintenant, l'excès est possible dans le domaine des biens du corps et c'est la recherche de l'excès et non celle des plaisirs nécessaires qui rend l'homme mauvais. Car tous les hommes tirent un certain plaisir de la bonne nourriture, du vin et des relations sexuelles, mais tous n'en jouissent pas de la bonne manière. L'inverse est vrai de la douleur : une mauvaise personne n'en fuit pas seulement l'excès, mais elle la fuit totalement. Car l'inverse d'un excès n'est douloureux que pour celui qui recherche l'excès...
"En conséquence, nous devons maintenant expliquer pourquoi les plaisirs du corps paraissent plus désirables. La première raison, donc, est que le plaisir chasse la douleur. Quand les hommes éprouvent un excès de douleur, ils recherchent un plaisir excessif et le plaisir corporel en général, croyant qu'il remédiera à la douleur. Ces remèdes (les plaisirs) deviennent très intenses et c'est bien la raison pour laquelle ils sont recherchés, à savoir qu'ils sont éprouvés par contraste avec leur contraire." (Ethique à Nicomaque, livre 7).

Il est clair que le monde n'a que peu de temps
pour changer son habitude de résoudre les conflits par la violence.
Il n'est pas sûr que nous ayons le temps de réparer les dommages
faits par d'innombrables générations précédentes,
nous ne savons pas non plus combien de générations futures il faudra
pour transformer notre psychobiologie de la violence
en une psychobiologie de paix.

         Dans son analyse du plus grand bien, Aristote fut très explicite :

"Donc le plus grand bien est une sorte de plaisir, en dépit du fait que la plupart des plaisirs sont mauvais et, si vous voulez, mauvais au sens vague du terme." (Ethique à Nicomaque, livre 7).

         Il est évident que le concept judéo-chrétien de plaisir physique est complètement à l'opposé de celui défini par Aristote, en particulier le soulagement de la douleur corporelle et de l'inconfort par le plaisir somato-sensoriel. Le déni du plaisir somato-sensoriel dans la doctrine chrétienne paulinienne a conduit à des formes alternatives de "soulagement" par des stimulations aussi douloureuses que les silices, l'autoflagellation, l'automutilation, la violence physique sur les personnes et les plaisirs non-sensoriels des drogues.
         Les études expérimentales sur les animaux illustrent les contreparties de ce phénomène. Par exemple, les animaux privés de stimulations somato-sensorielles se mutileront. Les animaux privés de contacts tactiles en bas âge auront des perceptions de la douleur affaiblies et une aversion aux contacts tactiles. Leur possibilité d'expérimenter la thérapie des contacts corporels tactiles dont ils ont besoin est donc bloquée. Dans ces conditions ils ont peu d'alternatives en dehors de la violence, pour laquelle le toucher et le contact physique orientés vers la douleur sont facilités par leur capacité affaiblie à ressentir la douleur. La violence physique et la douleur physique deviennent donc des thérapies de choix pour ceux qui ont été privés de plaisir physique.
         La question se pose de savoir comment la philosophie et la théologie chrétiennes, qui ont grandement emprunté à Aristote, sont parvenues à éviter sinon à rejeter carrément les enseignements d'Aristote concernant la moralité du plaisir. Les racines de cette question peuvent être trouvées tout au long de l'ancien testament, à commencer par la narration de la Genèse de l'expulsion d'Adam et d'Eve du paradis terrestre. La première conséquence de la transgression d'Eve fut la honte attachée à la nudité. Cela peut même bien être le début de l'hostilité de l'homme envers les femmes et l'assimilation de la femme avec le mal et particulièrement les maux physiques. Zaccharie (5 : 5-8) l'illustre de façon frappante dans la description par un ange du boisseau volant :

"Voici venir un boisseau. C'est leur iniquité aux yeux de tout le pays. Puis un "couvercle de plomb se souleva et il y avait une femme assise dans le boisseau. "C'est là la méchanceté, dit-il, et il la rejeta dans le boisseau en remettant le "couvercle de plomb sur l'ouverture."

        La violence contre la sexualité et l'usage de la sexualité pour la violence, particulièrement contre les femmes, ont de très profondes racines dans la tradition biblique et sont très tôt énoncés. Le chapitre XIX de la Genèse (1-11), le premier livre de l'Ancien Testament, tient le viol des femmes pour acceptable mais celui de l'homme pour "une méchanceté". Ce chapitre sur la destruction de Sodome et Gomorrhe narre l'hospitalité de Loth à deux voyageurs (deux anges en réalité).

"Dans la soirée, les hommes de Sodome vinrent à la maison de Loth et lui dirent : Où sont les hommes qui sont venus chez toi ce soir ? Amène-les-nous pour que nous puissions jouir avec eux. Loth sortit sur le pas de la porte pour les accueillir. Après l'avoir fermée derrière lui, il dit : "Je vous en supplie, mes frères, ne faites pas cette vilenie. J'ai deux filles vierges. Laissez-moi vous les amener et vous pouvez leur faire ce qu'il vous plaira. Mais ne faites rien à ces hommes car vous savez qu'ils sont sous la protection de mon toit.". Ils répondirent : "Ecarte-toi. Celui-là est venu en étranger et maintenant il ose donner des ordres ! Nous te ferons pire qu'à eux !" Et ils le pressèrent fortement, s'approchant pour briser la porte. Mais ses invités sortirent le bras, tirèrent Loth à l'intérieur et fermèrent la porte. En même temps ils frappèrent les hommes qui se trouvaient à l'entrée d'une lueur si aveuglante qu'ils étaient tous incapables de trouver l'entrée."




(n.d.t) Face à une situation d'extrême violence, en offrant aux agresseurs de leur amener ses filles pour qu'ils fassent l'amour avec elles, Loth a choisi un moindre mal. Quoi qu'il en soit, ses hôtes étaient des anges et l'histoire ressemble fortement à celle du sacrifice d'Isaac, lequel ne fut jamais consommé.


        L'histoire se poursuit par l'escorte jusqu'en lieu sûr de Loth et de sa famille par les deux anges qui détruisent ensuite Sodome et Gomorrhe pour leurs grands péchés. Cependant Loth n'encourt aucun reproche pour son désir d'offrir ses deux filles vierges à un viol collectif. La même histoire est répétée dans les livres d'Ezéchiel (XXIII : 1-49) et des Juges (XIX : 22-30). (N.D.T.).
        Etant donné une telle tradition, il est compréhensible que, pendant l'inquisition, seules les femmes furent accusées de commerce avec le diable et mises à mort pour ce crime de plaisir. Quel homme est mort au bûcher pour avoir couché avec Satan ? Cette tradition est maintenue dans les cultures modernes où la prostitution des femmes est punie mais pas leurs clients.
        A travers les âges, l'acceptation historique et biblique du viol a abruti la psyché des mâles élevés dans cette tradition. Cela est bien illustré dans le récit
de Michael McCusker, un sergent de marine qui fut témoin d'un viol collectif au Vietnam. McCusker raconte comment une escouade de neuf hommes entrât dans un petit village.

"Ils étaient censés poursuivre ce qu'ils appelaient une prostituée Viêt-cong. Ils allèrent dans son village et au lieu de la capturer, chacun d'eux la violât. L'un me dit plus tard que c'était la première fois qu'il avait jamais fait l'amour à une femme avec ses bottes. Celui qui dirigeait la section était en fait un simple soldat. Le chef était un sergent mais c'était un incapable et il laissa le soldat mener son groupe. Plus tard il affirma qu'il n'avait pas pris part au raid. C'était contre sa morale. Si bien qu'au lieu d'interdire à ses hommes de le faire parce qu'ils ne l'auraient pas écouté de toutes façons, le sergent alla de l'autre côté du village et s'assit en regardant le sol fixement, se sentant lamentable. En tout cas, ils violèrent la fille, puis le dernier à lui faire l'amour lui tira une balle dans la tête.

        Qu'est ce qui, dans la psyché américaine, autorise l'usage du mot "amour" pour décrire le viol ? Et où l'acte d'amour se termine-t-il par une balle dans la tête.


Les premiers mois. L'allaitement au sein et les caresses aideront cet enfant à grandir en adulte non-violent. Le déni d'un tel contact physique dans la petite enfance peut avoir l'effet l'inverse.


        Pourquoi les hommes violent-ils les femmes ? Les chercheurs rapportent que la plupart des violeurs ont eu un environnement familial de punition et d'hostilité paternelle, et de perte de l'affection maternelle. J'interprète le viol comme la revanche de l'homme sur la femme pour la perte précoce de la tendresse physique. Un homme peut exprimer son hostilité envers sa mère pour ne lui avoir pas donné suffisamment d'attentions physiques en violant une autre femme.
        Une autre explication peut être que la liberté sexuelle croissante des femmes menace la position de pouvoir et de domination masculine sur les femmes, position qu'ils maintiennent souvent par l'agression sexuelle. Le viol détruit le plaisir sensuel chez la femme et renforce le plaisir sadique chez l'homme. Par le viol, l'homme se défend des plaisirs sensuels procurés par les femmes qui menacent sa position de pouvoir et de domination.
        Je crois que le viol trouve son origine dans la privation de tendresse physique dans les relations parents-enfants et dans les relations sexuelles adultes ; ainsi que dans un système religieux de valeurs qui trouve morales la douleur et les privations physiques, et immoral le plaisir physique. Le viol maintient la domination de l'homme sur la femme et soutient la perpétuation des valeurs patriarcales dans notre société.

n.d.t. Ce fichier WORD n'a pas permis de conserver la photo d'une poupée Barbie avec sa garde-robe avec, à la place de Barbie, une femme ordinaire, trapue, nue, avec poils pubiens. (voir le texte original dans la version anglaise)

Poupées réalistes. Les poupées de papier suédoises illustrent la franchise vis à vis du corps humain, nécessaire pour inculquer des attitudes saines à l'égard de la sexualité et de la violence. Dans cette poupée de papier, aucune tentative n'est faite pour idéaliser ou désexualiser le corps humain ; le corps est simplement accepté tel qu'il est.

n.d.t. Idem pour une figure avec abscisse et ordonnées

Ce schéma montre les effets de l'environnement éducationnel sur un type de cellule nerveuse (appelée étoilée) qu'on trouve dans la quatrième couche du cortex visuel du rat. Le nombre de branches des dendrites est beaucoup plus grand chez les animaux élevés en groupe dans un environnement rempli de jouets (dénommé environnement aux conditions enrichies : EC) que celui observé lorsque deux rats sont élevés ensemble dans une cage ordinaire (conditions sociales : SC) ou lorsque les rats sont élevés seuls dans des cages ordinaires (conditions isolées : IC).
Ces données montrent que des conditions extrêmes de privation socio-sensorielle ne sont pas nécessaires pour altérer la structure du cerveau et qu'un environnement socio-sensoriel enrichi peut accroître la complexité des cellules nerveuses. Les dendrites, qui sont habituellement en branche d'arbre, sont les parties de la cellule nerveuse (neurone) qui portent l'impulsion nerveuse au corps de la cellule ; elles sont le moyen par lequel les cellules du cerveau communiquent entre elles. Les cellules du cerveau avec de nombreuses dendrites peuvent influencer et réguler l'activité d'autres cellules du cerveau plus efficacement que les cellules cervicales moins pourvues ou pourvues de dendrites anormales. On croit que la complexité des cellules cervicales est liée à la capacité de résoudre des problèmes complexes de nature à la fois intellectuelle et sociale et que les structures dendritiques anormales produisent des décharges électriques aiguës anormales dans le cerveau.

        Il est clair que le monde n'a que peu de temps pour changer son habitude de résoudre les conflits par la violence. Il n'est pas sûr que nous ayons le temps de réparer les dommages faits par d'innombrables générations précédentes ; nous ne savons pas non plus combien de générations futures il faudra pour transformer notre psychobiologie de la violence en une psychobiologie de paix.
       
        Si nous acceptons la théorie selon laquelle le manque d'une quantité suffisante de plaisir somato-sensoriel est une cause majeure de violence, nous pouvons travailler à promouvoir le plaisir et à encourager les relations interpersonnelles affectueuses comme des moyens de combattre l'agressivité. Nous devrions donner la plus haute priorité au plaisir physique dans un contexte de relations humaines enrichies. Un tel plaisir physique est très différent de la promiscuité qui reflète une incapacité primaire à éprouver du plaisir. Une relation sexuelle sans plaisir conduit à la recherche d'un autre partenaire. L'échec continuel dans l'obtention de la satisfaction sexuelle conduit à une recherche continuelle de nouveaux partenaires, c'est à dire à un comportement de promiscuité. Le plaisir affectueusement partagé, au contraire, tend à stabiliser une relation et à éliminer la recherche. Cependant, une certaine diversité d'expériences sexuelles semble normale dans les cultures qui en permettent l'expression et cela peut être important pour l'optimisation du plaisir et de la tendresse dans les relations sexuelles.
        Les informations disponibles indiquent clairement que les valeurs rigides de la monogamie, de la chasteté et de la virginité contribuent à produire de la violence physique. Le déni de la sexualité féminine doit faire place à son acceptation et à son respect et les hommes doivent partager avec les femmes la responsabilité de donner de la tendresse et des soins aux nouveau-nés et aux enfants. Au fur et à mesure que le père assume avec la mère un rôle mieux partagé dans l'éducation des enfants et devient plus affectueux avec ses enfants, certains changements doivent intervenir dans notre système socio-économique. Une structure des entreprises qui tendrait à séparer l'un ou l'autre parent de la famille par les voyages, les réunions prolongées ou le travail supplémentaire affaiblit la relation parents-enfants et nuit à la stabilité de la famille. Pour promouvoir une société paisible, nous devons mettre l'accent sur les relations humaines.
        La planification des naissances est essentielle. Les naissances doivent être correctement espacées de façon que chacun puisse recevoir tendresse et soins optimaux. Les besoins du nourrisson devraient être immédiatement satisfaits. Les données transculturelles infirment l'idée que cette pratique devrait "gâter" l'enfant. Contrairement à ce qu'affirme le docteur Benjamin Spock, il est néfaste qu'un bébé s'endorme en pleurant. En ne répondant pas immédiatement et de façon consistante aux besoins d'un nourrisson, nous ne lui enseignons pas seulement la méfiance à un niveau émotionnel primaire mais encore nous établissons des modèles de négligence qui nuisent à la santé sociale et émotionnelle de l'enfant. Le découragement de l'allaitement en faveur du biberon et la séparation de leurs mères de nouveau-nés pleins de santé dans nos hôpitaux "modernes", sont d'autres exemples de pratiques éducationnelles nuisibles.
        Environ 25% des mariages aux Etats-Unis se terminent aujourd'hui en divorces et un pourcentage encore plus grand de couples a fait l'expérience de relations extra-maritales. Cela suggère que quelque chose est fondamentalement faux dans la conception traditionnelle de la monogamie universelle. Si l'on relie ce phénomène au fait transculturel des carences physiques, de la violence et de la guerre associées à la monogamie, le besoin de créer un système de mariage plus pluraliste devient clair (n.d.t.) Cette proposition ne nous paraît pas convaincante : dans une société non-violente et non répressive de la sexualité auto et hétérosexuelle, l'amour fondé sur la tendresse, le respect et la fidélité doit se suffire à lui-même sans avoir besoin de recourir à la polygamie.
        Les expériences contemporaines de vie en groupe et des mariages de groupe tentent de combler des besoins fondamentaux qui restent insatisfaits dans l'isolement du mariage nucléaire. Nous devons sérieusement envisager de nouvelles options, telles que les familles étendues, composées de deux ou trois couples partageant valeurs et style de vie. En partageant les bénéfices et les responsabilités de l'éducation des enfants, de telles familles pourraient fournir un environnement varié et affectueux aux enfants comme aux adultes et réduire par ce biais la fréquence des abus de l'enfant et des fugues (n.d.t.) A notre connaissance les communautés sont éphémères ; la rotation élevée de leurs membres est en contradiction avec le besoin de sécurité affective de l'enfant.
        La famille communautaire - comme le groupe familial étendu - peut fournir aux enfants et aux adultes un environnement plus stimulant et porteur que celui de la famille nucléaire moyenne. Bien sûr, la vie communautaire ne devrait pas être assimilée à la sexualité de groupe qui n'est pas un partage mais bien souvent une fuite devant l'intimité et la vulnérabilité émotionnelle.

La franchise à propos du corps
        Quel que soit le type de structure familiale choisi, il sera important d'encourager la franchise sur le corps et ses fonctions. De ce point de vue, nous pourrions bénéficier d'une reconfiguration de nos intérieurs à la japonaise, en séparant la toilette du bain. Le bain familial devrait être utilisé pour la socialisation et la relaxation et devrait fournir aux enfants une situation naturelle pour apprendre les différences des sexes. Nous pouvons mal user et abuser de la nudité comme de la sexualité et cette peur nous empêche souvent d'accepter avec honnêteté nos propres corps.
La stimulation bénéfique procurée par les bains à jets ne devrait pas être limitée aux hôpitaux ou aux clubs thermaux mais introduite dans la maison. Le bain familial devrait être assez vaste pour loger parents et enfants et être équipé d'un jacuzzi pour maximiser la relaxation et le plaisir. La nudité, la franchise et la tendresse à l'intérieur de la famille peuvent enseigner aux enfants et aux adultes que le corps n'est pas honteux et inférieur mais plutôt une source de beauté et de sensualité à travers laquelle nous nous relions émotionnellement aux autres. La tendresse physique incluant le toucher, le portage et les caresses ne devrait pas être assimilée à la stimulation sexuelle qui est un type particulier de tendresse physique.


L'éthique compétitive qui enseigne aux enfants
qu'ils doivent progresser aux dépens des autres
devrait remplacée par les valeurs de la coopération.


Aimer, non rivaliser
        L'éthique compétitive qui enseigne aux enfants qu'ils doivent progresser aux dépens des autres devrait être remplacée par les valeurs de coopération et de recherche de l'excellence en elle-même. Nous devons éduquer nos enfants à être émotionnellement capables de donner de l'amour et de l'affection plutôt que d'exploiter les autres. Nous devrions reconnaître que la sexualité chez les adolescents n'est pas seulement naturelle mais désirable et accepter la sexualité prémaritale comme un bien moral positif. Les parents devraient aider les adolescents à réaliser leur autonomie sexuelle en leur permettant d'utiliser la demeure familiale pour leur activité sexuelle. Une telle honnêteté devrait encou-

rager une attitude plus mure envers les relations sexuelles et procurer un environnement privé favorable, meilleur pour leur développement que le siège arrière d'une voiture ou tout autre endroit indésirable en dehors de la maison. Les expériences sexuelles précoces sont trop souvent une tentative de se prouver l'appartenance au monde des adultes ou de se prouver sa masculinité ou sa féminité plutôt qu'un joyeux partage de tendresse et de plaisir.
        Par-dessus tout, la sexualité mâle doit reconnaître son égalité avec la sexualité femelle. Le droit traditionnel des hommes à des relations sexuelles multiples doit être étendu aux femmes. La grande barrière entre l'homme et la femme est la peur de l'homme de la profondeur et l'intensité de la sensualité féminine. Puisque le pouvoir et l'agressivité sont neutralisés par le plaisir sensuel, la défense primaire de l'homme contre une perte de domination a été le déni, la répression et le contrôle historiques du plaisir sensuel des femmes. L'usage de la sexualité pour l'obtention d'un simple soulagement de tension physiologique (plaisir apparent) ne devrait pas être confondu avec un état de plaisir sensuel incompatible avec la domination, le pouvoir, l'agressivité, la violence et la douleur. C'est par le partage mutuel du plaisir sensuel que l'égalité sexuelle entre les femmes et les hommes sera réalisée.
        L'environnement sensoriel dans lequel un individu grandit a une influence majeure sur le développement et l'organisation fonctionnelle du cerveau. La stimulation sensorielle est un aliment dont le cerveau doit être nourri pour se développer et fonctionner normalement. Le fonctionnement du cerveau détermine les comportements de la personne. A la naissance, le cerveau humain est extrêmement immature et de nouvelles cellules cervicales se développent jus-qu'à l'âge de deux ans. Le développement complexe des cellules cervicales se poursuit jusqu'à l'âge de 16 ans. Herman Epstein de l'université de Brandeis a montré que des poussées de croissance du cerveau humain se produisent à 3, 7, 11 et 15 ans. Il reste à déterminer comment les carences précoces affectent ces poussées de développement ; cependant certaines informations suggèrent que la poussée finale puisse être supprimée par la carence précoce.
        W. T. Greenough, psychologue à l'université d'Illinois, a démontré qu'un environnement sensoriel enrichi produit des cellules plus complexes, dans le cerveau d'un rat, qu'un environnement ordinaire ou appauvri (voir schéma). Ses études montrent qu'il n'est pas nécessaire que la carence sensorielle soit extrême pour provoquer des changements structurels dans un cerveau en développement. De nombreux autres chercheurs ont montré que laisser des rats après leur sevrage se développer dans l'isolement, produit des changements significatifs de la biochimie du fonctionnement des cellules du cerveau. D'autres chercheurs ont montré une activité électrique anormale dans le fonctionnement des cellules du cerveau des singes élevés dans l'isolement. J'ai suggéré que le cervelet, une structure cervicale intervenant dans la régulation de nombreux processus cérébraux, fonctionne mal lorsqu'un animal est élevé dans l'isolement et est impliqué dans des comportements agressifs dus à une carence somato-sensorielle. On a montré que la neuro-chirurgie cérébrale peut changer les comportements agressifs des singes élevés dans l'isolement en un comportement pacifique. Un comportement prédateur meurtrier peut être provoqué chez le chat domestique par la stimulation du noyau fastitial du cervelet, un des noyaux les plus profonds du cervelet.
Des niveaux anormalement bas de sérotonine platelet ont été trouvés chez des singes élevés dans l'isolement et aussi chez des enfants très agressifs, élevés en institution. Ces découvertes suggèrent que la carence somato-sensorielle pendant les périodes formatrices du développement, altère de façon significative un important système biochimique du corps associé à des comportements hautement agressifs. Nombre d'autres chercheurs ont relevé des anormalités dans le système de réaction adrénalo-corticale chez des rongeurs élevés dans l'isolement et qui avaient des comportements hyperagressifs, hyperactifs et hyperréactifs. On sait donc qu'un autre système biochimique important, associé à l'agressivité, est altéré par la carence somato-sensorielle précoce.
        Il faut souligner ici que je prône la stimulation du plaisir somato-sensoriel comme procédé thérapeutique pour corriger les anomalies dues à une carence de plaisir somato-sensoriel. Une telle stimulation sensorielle peut influencer le fonctionnement du cerveau et il n'apparaît pas nécessaire, sauf dans de rares circonstances, d'utiliser la chirurgie du cerveau ou la stimulation électrique pour modifier des comportements pathologiques, violents. Malheureusement, pour déterminer l'efficacité de cette thérapie chez l'homme, les programmes thérapeutiques de plaisir somato-sensoriel restent à établir. Le succès de la thérapie somato-sensorielle pour les singes élevés dans l'isolement, rapportés par Harry F. Harlow et Stephen Suomi (8) après l'échec d'autres thérapies, apportent d'autres encouragements pour l'utilisation des thérapies du mouvement corporel et du toucher dans le traitement des désordres émotionnels.
        Au contraire, nos prisons ont été conçues pour maximiser ces conditions responsables de la violence et de l'emprisonnement des délinquants. Il n'est pas surprenant que la violence physique dans de tels environnements carcéraux soit un problème majeur. Comme l'indique l'opposition aux parloirs de massage dans de nombreuses communautés, l'acceptation du plaisir somato-sensoriel en tant que forme de thérapie somatique sera difficile dans nos sociétés.
        Manifestement, si nous considérons indésirables les comportements agressifs et violents, alors nous devons fournir un environnement somato-sensoriel enrichi, de façon que le cerveau puisse se développer et fonctionner d' une manière qui produise des comportements pacifiques et agréables. La solution à la violence physique est le plaisir physique, dans un contexte de relations humaines enrichissantes.
        Pour beaucoup de gens, un principe moral fondamental est le rejet des croyances, des politiques et des comportements infligeant à nos frères humains de la douleur, de la souffrance et de la privation. Ce principe doit être élargi : nous devrions rechercher non seulement une absence de douleur et de souffrance mais aussi l'accroissement du plaisir, la promotion de relations humaines affectueuses et l'enrichissement de l'expérience humaine.
        Si nous nous efforçons d'augmenter le plaisir dans nos vies, cela affectera aussi nos façons d'exprimer l'agression et l'hostilité. La relation réciproque entre le plaisir et la violence est telle que l'un inhibe l'autre ; quand le plaisir physique est élevé, la violence physique est faible. Quand la violence est élevée, le plaisir est faible. Cette hypothèse de base de la théorie de la carence de plaisir somato-sensoriel nous donne les instruments nécessaires pour créer un monde d'individus paisibles, affectionnés, coopératifs.
        Le monde, cependant, a peu de temps pour corriger les conditions qui nous incitent aux confrontations violentes. Les technologies modernes de la guerre ont rendu possible à un individu ou à une nation de détruire entièrement de grandes tranches de notre population. Et la plus grande menace vient des nations qui ont l'environnement le plus carencé pour leurs enfants et qui sont les plus répressives envers la tendresse sexuelle et la sexualité féminine. Nous aurons le plus à craindre lorsque ces nations acquerront les armes de la guerre moderne. Tragiquement, cela a déjà commencé.




Bibliographie

1.  R. B. Textor. A cross-cultural summary (New Haven, Conn. : Human relations area files (HRAF) press, 1967).

2. J. W. Prescott, Early somatosensory deprivation as an ontogenetic process in abnormal development of the brain and behaviour, Medical primatology, édité par I. E. Goldsmith and Moor-Jankowski (Basel :Karger, 1971), 357-75 ; et Prescott, Cross-cultural studies of violence, dans Agressive behaviour  : current progress in pre-clinical and clinical research, Brain information report n° 37 (Los angeles, Ca. ; université de Californie, août 1974), 33-35.

3.M. K. Bacon, I. L. Child et H. A. Barry, III, Cross-cultural study of correlates of crime, Journal of abnormal and social psychology, 66 (1963), 291-300 et Barry, Bacon et Child, Definitions, ratings and bibliographic sources for child-training practices of 110 cultures, dans Cross-cultural approaches : readings in cooperative research, édité par C. S. Ford (New Haven : HRAF press, 1967).

4. J. T. Westbrook, Ford et Beach, dans A cross-cultural summary, edited by Textor (New Haven : HRAF press, 1967).

5. P. E. Slater, Killing, torturing or mutilating the enemy, dans A cross-cultural summary, édité par Textor.

6. Michael Harner, Jivaro souls.

7. Vietnam veterans against the war, déclaration par Michael McClusker dans The winter soldier investigation : an inquiry into American war crimes (Boston : Beacon press, 1972).

8. S. J. Suomi et H. F. Harlow, Social rehabilitation of isolate-reared monkeys, Development psychology, 6 (1972), 487-496.

9. F. R. Volkmar et W. T. Greenough, Rearing complexity affects branching of dendrites in the visual cortex of the rat, Science, 176 (June 1972), 1445-47 et M. Coleman, Platelet serotonin in disturbed monkeys, Clinical proceedings of the children's hospital, 27 (1971), 187-194.4